Propos recueillis par Marie Poinsot et Anne Volery pour le Musée de l'histoire de l'immigration.
Quand nous l’avions interrogé sur ses photos, Gérald Bloncourt ne nous avait pas répondu directement. Pour lui, ses photos parlent d’elles-mêmes si on fait l’effort de les regarder. Plutôt que de parler de ses photos donc, il nous a expliqué, patiemment, ce qui l’avait amené à les prendre. Et c’est son parcours qu’il nous a retracé avec beaucoup d’honnêteté à travers une série d’anecdotes toutes en images, presque une série d’instantanés : Haïti d’abord. Les conditions de vie, la dictature. La prise de conscience très tôt des inégalités sociales et de l’exploitation qui le pousse à s’engager politiquement. Viennent ensuite l’exil, les petits boulots, la rencontre avec la photographie, puis l’engagement toujours, cette fois à travers son objectif de photographe.
Gérald Bloncourt naît en 1926 en Haïti. C’est le contexte, économique, politique et social d’Haïti, presque autant que son milieu familial, qui le marque et qui lui font prendre conscience, très jeune, des inégalités sociales et de l’exploitation. Il décidera de les combattre en s’engageant dans la révolution de janvier 1946.
Après l’échec de la révolution, Gérald Bloncourt est expulsé. Vers la Martinique d’abord. De là, il gagnera la France métropolitaine. Il débarque au Havre, dans une ville en ruine, le 15 mai 1946. Parcours presque « banal » d’un émigré qui croise en chemin André Breton, Aimé Césaire, les derniers bagnards de Cayenne, et qui « débarque » dans un monde dont il ne connaît pas les codes et qui s’attelle à plusieurs petits boulots jusqu’à trouver « sa » voie presque par hasard.
Bloncourt devient, presque par hasard, photographe à L’Humanité (à la rubrique « le Front du travail »). Un jour, il croise Robert Capa. Cette rencontre furtive fut décisive pour lui. Capa allait sur les terrains d’opérations pour mieux combattre la guerre. Il décide d’aller dans les usines et les bidonvilles pour mieux dénoncer la misère. Ce faisant, il rompt alors avec les habitudes de la presse de l’époque qui publie des clichés anonymes de « travailleurs en rang d’oignons ». Il impose à la rédaction de nouvelles prises de vues montrant des visages, des mains, des hommes en train de travailler, des conditions de vies. Il regarde, observe, se rend sur place, prend des risques et témoigne, dénonce par l’image.
Pour lui, tout ne se photographie pas. Il y a des choses dont il ne peut rendre compte par l’image : la mort, que ce soit dans la guerre du Front Polisario ou lors du tremblement de terre de 1982 dans la région de Naples, ou, plus intimement, Haïti. Le travail de Gérald Bloncourt relève d’une certaine culture de l’image dans la lignée des grands photographes humanistes dont il fait partie.
Les oeuvres de Gérald Bloncourt sont exposées de façon permanente au musée national de l'histoire de l'immigration.
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